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Ce qu'ils ont dit de Liège

Récits de voyageurs à travers les siècles

 

Philippe de Hurges (1615)

Philippe de Hurges ou de Hurgues, né à Arras en 1585 et mort à Tournai le 27 juin 1643, est un échevin et juristconsulte de la ville de Tournai. Voyageur et chroniqueur, ses écrits fournissent un témoignage très précis sur son époque, en particulier sur la ville de Tournai et la Principauté de Liège.

«… Comme nous approchions Liège de plus près, nous commençasmes à sentir le mesme air que l'on sent approchant de Paris, sçavoir grossier et puant à cause des fanges que le charroy des houilles y suscite et entretient. A l'entrée, nous ne trouvasmes aucunes gardes ains estoient les portes toutes ouvertes à tous venants, chose qui nous sembla estrange en une saison de peste telle qu'elle estoit celle où nous estions. Estans entrez, nous trouvasmes ceste ville fort semblable à celle de Paris, tant par la saleté de ses ruës couvertes de fanges puantes et noires, comme pour leur estroiteur, car il y en a fort peu de larges, comme aussi pour la hauteur excessive des édifices particuliers, la plupart dressez de charpentage et de plastre, où demeurent en chascun cinq et six mesnages ou plus, comme nous avions veu à Paris. Elle lui ressemble encore au nombre des églises et lieux pieux, qui est très grand au nombre de peuple, qui est certes fort grand pour ce qu'elle contient en l'estendue de ses remparts, qui sont de bien grand pourpris. La rivière de Seine sépare Paris en deux, celle de Meuse la divise en deux parts : Paris est capitale d'un royaume, Liège l'est d'un bon païs : et sainct Lambert est à Liège ce que Nostre-Dame à Paris, et le palais du prince Liégeois qui se veoid joignant sainctLambert est plus accomply que n'est le Louvre et que ne sont les Tuileries à Paris : Liège est une ville montueuse et mal aplanie par tout, […] les Liégeois sont les plus mutins de tous les peuples d'Occident, exceptez les Gantois seulement ; […] repassants le grand pont, oultre ce qu'il y avoit un nombre infiny de barques et de navires en tous les endroits de la Meuse, […] nous en remarquasmes plus de cent, abondantes sus la brune et arrivantes en un mesme temps, tant ceste grand'ville est marchande, que de tous costez l'on y vient se pourveoir de ferrailles, de bronze, de cuyvre mis en œuvre et autrement (comme les mines de ces métaux en sont voisines et se treuvent aux environs en très-grande abondance), de soulphre, de coupperose ou vitriol, de salpetre, de laines, de cuirs de bestes, de charbons de houille et semblables denrées qui viennent d'Allemagne, ou croissent au païs mesme, que je tiens estre des plus fertiles de l'Europe, considérant la diversité des dons que la nature y espand »

Extrait de H. MICHELANT, Voyage de Philippe de Hurges à Liège et à Maestrect en 1615, Liège, 1872.

 

 

 

Mathieu Brouerius (1705)

Mathieu Brouerius van Niedek naquit à Amsterdam en 1668 et descendait d'une famille de la noblesse suédoise.

« Liège est située à trois lieues de Tongre vers midy sur les bords de Meuse, laquelle y entrant avec Vesdre et Ourte agrandie d'Ambleuve, rivelettes venants des forests d'Ardenne, la répartit en trois grandes villes soubs un seul magistrat. Celle partie qui tend vers Tongre est la plus grande, plus riche, plus peuplée, plus superbe tant ès Églises canonicales, qu'autres édifices publicques et particuliers, combien qu'à l'Isle de Liège ne manque rien qui sert à l'ornement d'une belle et florissante ville, tant en structure d'Églises canonicales, d'abbayes, monastères, très belles maisons de bourgeois que places, rivières, rivelettes, fontaines passantes soubs Meuse par canales, moulins, jardins, ponts et commoditez semblables. La troisième ville est communément nommée Oultre-Meuse, où sont les riches tanneurs, lesquels par privilège de ce quartier ne peuvent demeurer autre part. Icy sont aussy plusieurs brasseurs, marchands de cloux de fer, pottiers et autres semblables : encor y a-t-il en cest endroict tant d'isles et islettes qu'à un danger l'on s'y pourroit dix à douze fois retrancher. Or, pour retourner à la première, icelle comprend l' Église cathédrale de St Lambert, patron de la Cité, fondée par St Hubert, fils de Bertrand, duc de Guyenne ou Aquitaine, son premier Prince et Évêque, environ l'an 710 lorsqu'il transporta de Maastricht le corps glorieux d'iceluy son prédécesseur. Icelle comprend encore cinq autres Églises canonicales, maincts édifices publiques, monastères et autres Églises parochiales ; sans omettre plusieurs montagnes, chargées de vignobles et jardins, plusieurs vallées, grands remparts et boullevarts, huit portes champestres, pour estre du côté de Meuse, la Cité toute démantelée pour le service commun, opposant en cas de nécessité en lieu des murailles les cœurs et corps des citoyens. Icy est aussi le Palais du Prince, construit par Érard de la Marck, digne d'éternelle mémoire… »

Extrait de Mathieu BROUERIUS, Très exacte Description des Provinces Unies des Païs-Bas, et villes de Sedan, Liège,…, 1705 ; publié par Léon Halkin, Liège, 1948.

 

 

 

Alexandre Dumas père (1841)

Alexandre Dumas père (1802-1870).

« Au reste, d’ou nous étions, et de cette terrasse où je venais à la fois de faire un si bon déjeuner et un si excellent cours d’histoire, je me trouvais merveilleusement placé pour voir, sans me déranger, toutes les localités où s’étaient passées les choses importantes que monsieur Polain venait de me raconter. Ainsi, de ce point situé au pied de la citadelle, j’avais, à mon extrême gauche, Herstal, le berceau des rois de la seconde race, où naquit Pepin le Gros, père de Charles Martel et grand-père de Pépin le Bref, et à mon extrême droite, le château de Ranigule, d’où Godefroy de Bouillon partit pour la Terre-Sainte. Puis, encadrés entre ces deux grands souvenirs, toujours en allant de gauche à droite, du nord à l’ouest au delà de l’Ourthe, le point d’où Boufflers bombarda la ville en 1691: puis, de ce côté de la Meuse, presqu’à mes pieds, au bout de la rue Hors-Château, l’église de Saint-Barthélemy, la plus vieille de Liége ; puis en reportant mes yeux sur l’Ourthe, le pont d’Amercoeur, où le duc de Bourgogne fit jeter les bourgeois révoltés, et qui a gardé de ce triste fait son nom douloureux. Au delà de ce pont, le faubourg d’où Dumouriez, en 92, délogea les impériaux, et que ceux-ci brûlèrent en se retirant, et qui, rebâti par le premier consul, conserva quelque temps le nom de faubourg Bonaparte, puis reprit celui de faubourg d’Amercoeur, la vieille catastrophe ayant laissé plus de souvenir que le bienfait récent : puis sur le quai, au-dessous de l’église Saint-Barthélemy, la maison du seigneur Curtius, avec ses trois cent soixante-cinq fenêtres, son oesopée complète, et sa tradition diabolique. Le palais de justice, autrefois le palais du prince évêque, avec sa belle cour entourée de colonnes du XIVe siècle, et son portail de Guillaume de Lamark, le fameux Sanglier des Ardennes, sculpté sur le quatrième pilier à droite, en entrant par la place Saint-Lambert. Puis, en plongeant au delà de l’Université, entre le séminaire et le faubourg d’Avoy- Saint-Jacques, la merveille de Liége, avec son architecture à la fois gothique et arabe, Saint-Paul, devenue cathédrale depuis 1793, époque à laquelle elle a succédé à Saint-Lambert, l’ancienne métropole, qui tomba comme tombaient les reines en ce temps-là, abattue par le peuple. Saint-Jean et sa tour byzantine, la maison de Warfusée, de sanglante mémoire, dont il ne reste, derrière la Meuse, que la poterne par laquelle entrèrent les Espagnols. Sur la même ligne et au delà du faubourg Saint-Gilles, les bénédictins de Saint-Laurent, qu’il ne faut pas confondre avec ceux de Saint- Maur, les deniers, fameux par leurs chroniques historiques, et les premiers par leur chronique scandaleuse. Puis l’église Saint-Martin ; la première où, sur la prière d’une religieuse nommée soeur Julienne, qui avait rêvé voir la lune partagée en deux, le pape permit l’institution de la Fête-Dieu, qui se répandit sur tout le monde chrétien, et qui ne s’est encore retirée que de France. Enfin, la maison de campagne où l’évêque Henry de Gueldre se vantait d’avoir fait vingt-neuf bâtards en une année, et qui de cette prouesse monacale a conservé le nom de bâtarderie.… »

Extrait de Alexandre DUMAS (père), Excursions sur les bords du Rhin. Impressions de voyage, 1841.

 

 

 

 

 

 
     
 

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Date de création de la page : 06/09/2018 – Dernière modification : 9/09/24 .